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Ueli Steck
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il y a 10 ans 8 mois - il y a 10 ans 8 mois #108094
par Cricridamour
Mon blog: christophequibouge.wordpress.com/
Ueli Steck a été créé par Cricridamour
Je vois qu'il y a des forumeurs intéressés par Ueli Steck sur cet autre sujet
www.vo2cycling.fr/forum/general/102566-esperance-de-vie?start=20
Alors j'ouvre un nouveau sujet qui est consacré entièrement à ce personnage hors du commun
Il se trouve qu'il n'y a pas qu'en vélo ou en athlétisme que la suspicion règne.
Ici un article bien fichu, bravo la journaliste
www.lemonde.fr/sport/article/2014/03/27/alpinism...te_4390481_3242.html
Et aussi, dans la presse locale:
www.laliberte.ch/sites/default/files/article_pdf...4-03-29_sp_21_sp.pdf
www.vo2cycling.fr/forum/general/102566-esperance-de-vie?start=20
Alors j'ouvre un nouveau sujet qui est consacré entièrement à ce personnage hors du commun
Il se trouve qu'il n'y a pas qu'en vélo ou en athlétisme que la suspicion règne.
Ici un article bien fichu, bravo la journaliste
www.lemonde.fr/sport/article/2014/03/27/alpinism...te_4390481_3242.html
Et aussi, dans la presse locale:
www.laliberte.ch/sites/default/files/article_pdf...4-03-29_sp_21_sp.pdf
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Dernière édition: il y a 10 ans 8 mois par Cricridamour.
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- skippy
- Visiteur
il y a 10 ans 8 mois #108096
par skippy
Réponse de skippy sur le sujet Ueli Steck
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- Gawain
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il y a 10 ans 8 mois - il y a 10 ans 8 mois #108249
par Gawain
\\\\\\\"When I see an adult on a bicycle, I do not despair for the future of the human race.\\\\\\\"
H. G. Wells
Réponse de Gawain sur le sujet Ueli Steck
Allez, j'y vais de mon petit commentaire de comptoir.
Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il soit allé en haut. Il a des capacités hors normes, un parcours cohérent, des autorités en la matière confirment la vraisemblance de l'exploit (Elizabeth Hawley notamment), ainsi que des témoins qui n'ont pas forcément d'intérêt dans l'affaire ...ce n'est pas comme s'il était sorti de nul part avec cette ascension.
La contestation des réalisations en alpinisme, c'est vieux comme cette pratique. Et ça continuera à exister car aucune règle ne vient sanctionner la compétition informelle dans le domaine.
Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il soit allé en haut. Il a des capacités hors normes, un parcours cohérent, des autorités en la matière confirment la vraisemblance de l'exploit (Elizabeth Hawley notamment), ainsi que des témoins qui n'ont pas forcément d'intérêt dans l'affaire ...ce n'est pas comme s'il était sorti de nul part avec cette ascension.
La contestation des réalisations en alpinisme, c'est vieux comme cette pratique. Et ça continuera à exister car aucune règle ne vient sanctionner la compétition informelle dans le domaine.
\\\\\\\"When I see an adult on a bicycle, I do not despair for the future of the human race.\\\\\\\"
H. G. Wells
Dernière édition: il y a 10 ans 8 mois par Gawain.
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- jfd_
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il y a 10 ans 8 mois #108296
par jfd_
Réponse de jfd_ sur le sujet Ueli Steck
J'ai pris le temps de lire tout cela ce soir : j'aime de + en + ce qu'il dit, le sens de ses propos, le fait qu'il reste les pieds sur terre même si la prise de risques est énorme.
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- Quickfluck
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- Membre elite
il y a 10 ans 8 mois #108823
par Quickfluck
Mon blog : plushautplusviteplussport.over-blog.com/
Réponse de Quickfluck sur le sujet Ueli Steck
cadeau l'ITW de Staek frites dans Lequipe du jour
Le Suisse avait époustouflé le monde de l'alpinisme en réussissant l'ascension de la face sud de l'Annapurna, par la voie directe et en solo. Six mois plus tard, Ueli Steck confie être allé trop loin et ne souhaite plus prendre autant de risques pour accomplir des exploits.
Son grand chalet, vers Interlaken, vue sur les montagnes et vie sur lac, est presque vide. On dira qu’il lui ressemble, lui qui aime les projets simples et épurés. « Je suis suisse allemand », glisse-t-il. Ueli Steck grimpe si possible seul et sans corde, le plus rapidement possible, mais toujours en privilégiant la difficulté. En octobre dernier, son ascension express et minimaliste de la face sud de l’Annapurna, une première par la voie directe, a scotché le monde de la montagne (lire L’Équipe Magazine du 2 novembre). Il avoue aujourd’hui qu’il est allé trop loin. Qu’il a trop taquiné la mort. Il dit stop. À 37 ans, il va lui falloir se réinventer et ce ne sera pas facile. C’est touchant, un homme qu’on sent presque désemparé alors qu’il a dépassé le sublime.
«Toutes les plus grandes montagnes, Everest en tête, ont été vaincues. Êtes-vous né trop tard ?
Et tous les 8 000 m ont été escaladés, et presque toutes les voies ont été faites... C’est sûr, dans les années 1930 ou 1940, les évidences étaient devant toi, comme la face nord de l’Eiger. Je vis à mon époque, je ne me pose pas ce genre de questions. À moi d’être inventif, d’imaginer des enchaînements, d’oser les dernières voies encore vierges, et il y en a un peu partout, même sur l’Everest. Je fais de la montagne pour moi, pas pour les autres. Si ça intéresse les gens, je fais aussi du business. Mais ce n’est jamais dans l’autre sens, jamais le business qui me fait opter pour une montagne.
Il reste une obsession à l’alpiniste que vous êtes ?
La face ouest du Makalu (sommet isolé, proche de l’Everest, à 8 463m). Techniquement, c’est très engagé, c’est haut et personne n’est passé ! Ça demande de réunir de bonnes conditions et il faudra peut-être y revenir trois ou quatre fois. Or, c’est cher : 10 000 dollars de permis pour une expédition de sept personnes, au printemps. C’est fou. Il y a aussi des travers sur des 8 000 m, entre l’Everest, le Lhotse et le Nuptse (qui forment un massif en forme de fer à cheval). Des trucs énormes. Mais dans les Alpes bernoises, devant chez moi, je peux aussi imaginer de partir d’ailleurs, de faire autrement, de choisir un autre chemin. Aujourd’hui, on a un matériel bien meilleur qu’autrefois et ça nous offre d’autres possibilités. On peut toujours trouver un challenge.
Mais être l’alpiniste néo-zélandais Edmund Hillary, le premier sur le toit du monde…
Bien sûr que ça doit être exceptionnel d’être le premier. Mais le plus intéressant, c’est toujours le chemin pour y arriver. Le sommet, c’est juste un petit moment.
Vous avez une carte de l’Everest dans votre bureau, c’est la seule que vous avez affichée... C’est un voyage indispensable, un Graal ?
Forcément, tu dois le faire une fois, c’est comme une étape obligatoire. Je l’ai escaladé en 2012, sans oxygène bien sûr, avec un copain sherpa. Ça m’a fait plaisir de monter là, de savoir comment mon corps réagissait. C’était beau, mais ce n’est pas ce que je recherche le plus. On devait être vingt au même endroit… Moi, je cherche toujours l’exploit pour moi-même, avec la nature. Mais chacun a ses raisons pour monter et, encore une fois, c’est le chemin qui m’importe.
Le coureur Kilian Jornet pratique aussi la montagne en mode léger et rapide, et va bientôt s’attaquer à une montée express de l’Everest. Vous en êtes si éloigné ?
Lui, il a des chaussures de course à pied et prend les chemins les plus rapides, les plus faciles. Mes ascensions sont plus techniques, j’utilise des crampons, des piolets, j’emporte quand même une corde en cas de problème. Il fait de la course, je fais de l’alpinisme. Nous comparer n’a pas de sens. C’est comme comparer un marathon et une étape du Tour de France.
Vous êtes peut-être encore plus athlète qu’alpiniste. Vous ne vous contentez pas de faire du dénivelé en guise d’entraînement…
J’ai un coach qui vient du ski de fond, je fais très attention à mon alimentation. J’ai réalisé que j’avais des manques physiques, qu’il ne suffisait pas de grimper. Je cours beaucoup, je fractionne, je fais du volume. Jusqu’à deux fois par jour, selon les projets. Je fais le tour du lac de Brienz (l’un des deux qui encadrent Interlaken), 35 km. Ou je prends le petit sentier qui part derrière la maison. C’est super, on est à 700 m, ça monte à 1 800m. Je fais 100 à 160 km par semaine.
Votre chemin à vous, c’est la légèreté, la vitesse. Comme pendant votre ascension de l’Eiger en solo en 2 h 47’, ou de la face sud de l’Annapurna en 19 h 30’, sans corde et sur des voies difficiles, qui ont un vrai sens...
Je n’ai rien inventé. Christophe Profit, en 1987, a réalisé l’enchaînement hivernal des trois plus grandes faces nord alpines (Grandes Jorasses, Eiger, Cervin) en quarante heures. L’Eiger a été fait avant moi en quatre heures cinquante, je n’ai fait qu’améliorer le record. Tous les montagnards regardent leur montre... Si c’est trop lent, ça ne va pas. Éviter un bivouac en montagne, c’est plutôt une bonne chose. Et moi, j’aime bien les voies compliquées.
Votre fascination, c’était l’Eiger. Jusqu’à venir habiter au pied de cet ogre mangeur d’hommes...
Enfant, je faisais du hockey avec mes frères. J’ai découvert la grimpe à 12 ans, j’ai préféré. Tu n’as pas d’équipe, c’est plus simple. Je lisais tous les livres sur les grands exploits de l’alpinisme. Et j’ai très vite eu une fascination pour la face nord de l’Eiger (1 800 m d’une impitoyable verticalité, dont l’histoire est ponctuée de drames), rien d’autre ne m’intéressait. Au début, ça te paraît inaccessible. Puis tu regardes, tu étudies. Le temps passe, tu progresses et, un jour, tu le fais.
Mais de là à choisir de ne pas s’assurer avec des cordes…
C’est beaucoup de risques, tu as le choix.
Mais…
Sans matos, tu vas plus vite. Je grimpe aussi beaucoup avec des cordes. Et j’en emporte presque toujours une, au cas où… Mais grimper sans corde, c’est différent, c’est le style le plus épuré, c’est l’engagement le plus fort qui soit. C’est comme les ascensions avec ou sans oxygène. À mon sens, avec oxygène, par la voie normale, ça n’a aucune valeur parce que tu élimines la problématique majeure qui est l’altitude. Je ne dis pas ce qui est bien et ce qui est mal, simplement, je prends mes décisions.
Ça ne répond pas à la question. Pourquoi y aller comme ça ?
C’est le danger. Je n’ai pas de bonne réponse. J’aime bien. J’ai choisi. Je suis libre, ça me plaît. C’est tout.
Quelles sont les sensations quand on est dans le vide avec 2 000 m sous soi, sans assurance ?
Vingt mètres ou 2 000, c’est la même chose : tu tombes, t’es mort. À partir du moment où j’ai décidé d’y aller, toute ma concentration est sur la progression, sur les prises, la trajectoire, les éléments. Je mets de côté le danger, je n’ai plus d’émotions, je suis comme dans un tunnel. Hier n’existe plus, demain non plus. Tu es vraiment au présent et rien d’autre n’existe. C’est inutile, mais c’est bon ! J’aime trop ces moments-là...
Êtes-vous déjà allé trop loin ?
Oui. Sur l’Annapurna, l’automne passé. Je n’en suis pas très fier. J’ai pris trop de risques. Ça s’est bien passé, mais c’était trop. J’avais accepté l’idée de mourir. Quelque chose avait switché dans ma tête. Fallait que j’aille au sommet. Je m’en rends compte maintenant, c’était fou. Ça passe une fois, mais ça ne passera pas dix. J’arrête. Si je continue comme ça, je vais me tuer, c’est inéluctable. Regardez l’histoire : qui reste-t-il de la grande génération des alpinistes français ? Lafaille, Béghin, Berhault ne sont plus là. Christophe Profit est le seul à avoir compris. Après l’expédition au K 2 (première ascension de l’arête nord-ouest, avec Pierre Béghin, en 1991), un truc énorme, il est redevenu guide. Les gens veulent toujours plus, mais il faut savoir être raisonnable.
Vous tiendrez votre promesse ?
Oui. Choisir un chemin, c’est bien, mais il est important de savoir s’en détacher un jour. Je prends un break, et après je passe à autre chose. L’enchaînement Everest-Lhotse-Nuptse n’est pas trop dangereux, c’est peut-être encore jouable.
C’est la pression extérieure qui provoque la chute ?
Jean-Christophe Lafaille (disparu en 2006 sur les pentes du Makalu) était trop médiatisé. Comme moi. On évolue dans un monde qui tourne de plus en plus vite, qui en redemande. Quand je pars pour une solitaire, je le dis à un minimum de personnes, juste à deux ou trois amis. Quand des gens savent, inévitablement, la pression est là. Et ça t’empêche de prendre des décisions sereines. En 2011, sur l’Everest, à 8 700 m, j’avais les pieds qui commençaient à geler. J’étais à une heure et demie maximum du sommet, et j’ai fait demi-tour. Je n’avais pas à me justifier ! Je me laisse la liberté de survivre... Ça me complique les choses après, ça nourrit des discussions, mais c’est moi qui risque de me tuer, pas eux. Si je suis en vie, c’est peut-être parce que je ne parle pas de mes projets avant.
Et maintenant ?
Je fais une petite pause, je vais me détacher des choses et peut-être m’accorder juste une petite expédition. La montagne reste ma vie. Ma femme vient de quitter volontairement son travail. On va gravir un 8 000 m ensemble, on va partager.
Vous vous sentez vraiment capable de viser moins haut, moins fort, moins engagé ?
Je ne peux plus pousser plus loin. Le progrès, le progrès, le progrès, ce n’est pas une issue. Je dois trouver un autre chemin.
Votre maxime est : « Tout ce que je peux imaginer peut devenir possible. » Vous ne la reniez pas ?
Un jour ou l’autre, tu dois arrêter d’imaginer, non ? Mais j’ai très mal : mon rêve d’Annapurna n’est plus là. Et c’est un manque. Ce sommet, c’était un rêve qui durait depuis des années. Je l’ai fait. Il reste quoi ? Il faut peut-être que les rêves restent des rêves. C’est peut-être mieux de laisser la face ouest du Makalu. Peut-être.
Vous n’aviez pas d’appareil photo pour valider votre exploit sur la face sud de l’Annapurna. Vous comprenez que cela ait fait naître des doutes ?
Oui. J’ai chopé une petite avalanche, j’ai perdu des gants et cet appareil photo. Fidèle à mon habitude, je n’avais même pas dit, au camp de base, que j’allais tenter le coup, j’avais dit que j’allais voir… Je comprends qu’on doute. Il faut des preuves de ce que l’on a réalisé. C’est une discussion vaine. Moi, je sais.
La montagne est le symbole de la pureté, elle est pourtant un creuset à polémiques. C’est dommage, non ?
Dans un sport traditionnel, le premier est le premier, et c’est tout. En montagne, beaucoup de choses sont subjectives. À commencer par les cotations des difficultés techniques. M 1, M 7, M 4 ? Qui est sûr de quoi ? Sur l’Annapurna, je n’ai pas de photos. J’ai entendu des gens dire que j’avais laissé tomber l’appareil volontairement. Mais j’ai failli mourir dans cette avalanche ! Je devrais m’en fiche. Mais ça finit quand même par te toucher. Dans la vie, tu as la liberté de croire ou pas. La vraie vie, c’est aussi de faire, pas de dire. Il y a des valeurs de base qui devraient être respectées.
On vous regarde, on vous imite ou, du moins, on essaie. Est-ce que vous vous sentez un devoir de responsabilité ?
C’est à chacun de réfléchir et, malheureusement, on est dans un monde où ce sens de l’auto-responsabilité s’est dissipé. C’est à moi de savoir si traverser mon village en voiture à 100 km/h est sensé ou pas. Deux Suisses m’ont suivi quelques jours après mon hivernale sur les Grandes Jorasses. Ils n’ont pas pu aller aussi vite que moi, ils ont dû bivouaquer sans rien ou presque. Ça ne peut pas être mon problème.
Avez-vous le sentiment, en la révolutionnant par votre approche, d’avoir « tué » la discipline ?
Reinhold Messner et ses quatorze 8 000 m (en 1986), c’était aussi un grand pas. Il y en aura d’autres, car il y a plein de jeunes forts, plus forts que moi, mais sans mon expérience. Mais on ne sait pas encore quels exploits ils réaliseront.»
Le Suisse avait époustouflé le monde de l'alpinisme en réussissant l'ascension de la face sud de l'Annapurna, par la voie directe et en solo. Six mois plus tard, Ueli Steck confie être allé trop loin et ne souhaite plus prendre autant de risques pour accomplir des exploits.
Son grand chalet, vers Interlaken, vue sur les montagnes et vie sur lac, est presque vide. On dira qu’il lui ressemble, lui qui aime les projets simples et épurés. « Je suis suisse allemand », glisse-t-il. Ueli Steck grimpe si possible seul et sans corde, le plus rapidement possible, mais toujours en privilégiant la difficulté. En octobre dernier, son ascension express et minimaliste de la face sud de l’Annapurna, une première par la voie directe, a scotché le monde de la montagne (lire L’Équipe Magazine du 2 novembre). Il avoue aujourd’hui qu’il est allé trop loin. Qu’il a trop taquiné la mort. Il dit stop. À 37 ans, il va lui falloir se réinventer et ce ne sera pas facile. C’est touchant, un homme qu’on sent presque désemparé alors qu’il a dépassé le sublime.
«Toutes les plus grandes montagnes, Everest en tête, ont été vaincues. Êtes-vous né trop tard ?
Et tous les 8 000 m ont été escaladés, et presque toutes les voies ont été faites... C’est sûr, dans les années 1930 ou 1940, les évidences étaient devant toi, comme la face nord de l’Eiger. Je vis à mon époque, je ne me pose pas ce genre de questions. À moi d’être inventif, d’imaginer des enchaînements, d’oser les dernières voies encore vierges, et il y en a un peu partout, même sur l’Everest. Je fais de la montagne pour moi, pas pour les autres. Si ça intéresse les gens, je fais aussi du business. Mais ce n’est jamais dans l’autre sens, jamais le business qui me fait opter pour une montagne.
Il reste une obsession à l’alpiniste que vous êtes ?
La face ouest du Makalu (sommet isolé, proche de l’Everest, à 8 463m). Techniquement, c’est très engagé, c’est haut et personne n’est passé ! Ça demande de réunir de bonnes conditions et il faudra peut-être y revenir trois ou quatre fois. Or, c’est cher : 10 000 dollars de permis pour une expédition de sept personnes, au printemps. C’est fou. Il y a aussi des travers sur des 8 000 m, entre l’Everest, le Lhotse et le Nuptse (qui forment un massif en forme de fer à cheval). Des trucs énormes. Mais dans les Alpes bernoises, devant chez moi, je peux aussi imaginer de partir d’ailleurs, de faire autrement, de choisir un autre chemin. Aujourd’hui, on a un matériel bien meilleur qu’autrefois et ça nous offre d’autres possibilités. On peut toujours trouver un challenge.
Mais être l’alpiniste néo-zélandais Edmund Hillary, le premier sur le toit du monde…
Bien sûr que ça doit être exceptionnel d’être le premier. Mais le plus intéressant, c’est toujours le chemin pour y arriver. Le sommet, c’est juste un petit moment.
Vous avez une carte de l’Everest dans votre bureau, c’est la seule que vous avez affichée... C’est un voyage indispensable, un Graal ?
Forcément, tu dois le faire une fois, c’est comme une étape obligatoire. Je l’ai escaladé en 2012, sans oxygène bien sûr, avec un copain sherpa. Ça m’a fait plaisir de monter là, de savoir comment mon corps réagissait. C’était beau, mais ce n’est pas ce que je recherche le plus. On devait être vingt au même endroit… Moi, je cherche toujours l’exploit pour moi-même, avec la nature. Mais chacun a ses raisons pour monter et, encore une fois, c’est le chemin qui m’importe.
Le coureur Kilian Jornet pratique aussi la montagne en mode léger et rapide, et va bientôt s’attaquer à une montée express de l’Everest. Vous en êtes si éloigné ?
Lui, il a des chaussures de course à pied et prend les chemins les plus rapides, les plus faciles. Mes ascensions sont plus techniques, j’utilise des crampons, des piolets, j’emporte quand même une corde en cas de problème. Il fait de la course, je fais de l’alpinisme. Nous comparer n’a pas de sens. C’est comme comparer un marathon et une étape du Tour de France.
Vous êtes peut-être encore plus athlète qu’alpiniste. Vous ne vous contentez pas de faire du dénivelé en guise d’entraînement…
J’ai un coach qui vient du ski de fond, je fais très attention à mon alimentation. J’ai réalisé que j’avais des manques physiques, qu’il ne suffisait pas de grimper. Je cours beaucoup, je fractionne, je fais du volume. Jusqu’à deux fois par jour, selon les projets. Je fais le tour du lac de Brienz (l’un des deux qui encadrent Interlaken), 35 km. Ou je prends le petit sentier qui part derrière la maison. C’est super, on est à 700 m, ça monte à 1 800m. Je fais 100 à 160 km par semaine.
Votre chemin à vous, c’est la légèreté, la vitesse. Comme pendant votre ascension de l’Eiger en solo en 2 h 47’, ou de la face sud de l’Annapurna en 19 h 30’, sans corde et sur des voies difficiles, qui ont un vrai sens...
Je n’ai rien inventé. Christophe Profit, en 1987, a réalisé l’enchaînement hivernal des trois plus grandes faces nord alpines (Grandes Jorasses, Eiger, Cervin) en quarante heures. L’Eiger a été fait avant moi en quatre heures cinquante, je n’ai fait qu’améliorer le record. Tous les montagnards regardent leur montre... Si c’est trop lent, ça ne va pas. Éviter un bivouac en montagne, c’est plutôt une bonne chose. Et moi, j’aime bien les voies compliquées.
Votre fascination, c’était l’Eiger. Jusqu’à venir habiter au pied de cet ogre mangeur d’hommes...
Enfant, je faisais du hockey avec mes frères. J’ai découvert la grimpe à 12 ans, j’ai préféré. Tu n’as pas d’équipe, c’est plus simple. Je lisais tous les livres sur les grands exploits de l’alpinisme. Et j’ai très vite eu une fascination pour la face nord de l’Eiger (1 800 m d’une impitoyable verticalité, dont l’histoire est ponctuée de drames), rien d’autre ne m’intéressait. Au début, ça te paraît inaccessible. Puis tu regardes, tu étudies. Le temps passe, tu progresses et, un jour, tu le fais.
Mais de là à choisir de ne pas s’assurer avec des cordes…
C’est beaucoup de risques, tu as le choix.
Mais…
Sans matos, tu vas plus vite. Je grimpe aussi beaucoup avec des cordes. Et j’en emporte presque toujours une, au cas où… Mais grimper sans corde, c’est différent, c’est le style le plus épuré, c’est l’engagement le plus fort qui soit. C’est comme les ascensions avec ou sans oxygène. À mon sens, avec oxygène, par la voie normale, ça n’a aucune valeur parce que tu élimines la problématique majeure qui est l’altitude. Je ne dis pas ce qui est bien et ce qui est mal, simplement, je prends mes décisions.
Ça ne répond pas à la question. Pourquoi y aller comme ça ?
C’est le danger. Je n’ai pas de bonne réponse. J’aime bien. J’ai choisi. Je suis libre, ça me plaît. C’est tout.
Quelles sont les sensations quand on est dans le vide avec 2 000 m sous soi, sans assurance ?
Vingt mètres ou 2 000, c’est la même chose : tu tombes, t’es mort. À partir du moment où j’ai décidé d’y aller, toute ma concentration est sur la progression, sur les prises, la trajectoire, les éléments. Je mets de côté le danger, je n’ai plus d’émotions, je suis comme dans un tunnel. Hier n’existe plus, demain non plus. Tu es vraiment au présent et rien d’autre n’existe. C’est inutile, mais c’est bon ! J’aime trop ces moments-là...
Êtes-vous déjà allé trop loin ?
Oui. Sur l’Annapurna, l’automne passé. Je n’en suis pas très fier. J’ai pris trop de risques. Ça s’est bien passé, mais c’était trop. J’avais accepté l’idée de mourir. Quelque chose avait switché dans ma tête. Fallait que j’aille au sommet. Je m’en rends compte maintenant, c’était fou. Ça passe une fois, mais ça ne passera pas dix. J’arrête. Si je continue comme ça, je vais me tuer, c’est inéluctable. Regardez l’histoire : qui reste-t-il de la grande génération des alpinistes français ? Lafaille, Béghin, Berhault ne sont plus là. Christophe Profit est le seul à avoir compris. Après l’expédition au K 2 (première ascension de l’arête nord-ouest, avec Pierre Béghin, en 1991), un truc énorme, il est redevenu guide. Les gens veulent toujours plus, mais il faut savoir être raisonnable.
Vous tiendrez votre promesse ?
Oui. Choisir un chemin, c’est bien, mais il est important de savoir s’en détacher un jour. Je prends un break, et après je passe à autre chose. L’enchaînement Everest-Lhotse-Nuptse n’est pas trop dangereux, c’est peut-être encore jouable.
C’est la pression extérieure qui provoque la chute ?
Jean-Christophe Lafaille (disparu en 2006 sur les pentes du Makalu) était trop médiatisé. Comme moi. On évolue dans un monde qui tourne de plus en plus vite, qui en redemande. Quand je pars pour une solitaire, je le dis à un minimum de personnes, juste à deux ou trois amis. Quand des gens savent, inévitablement, la pression est là. Et ça t’empêche de prendre des décisions sereines. En 2011, sur l’Everest, à 8 700 m, j’avais les pieds qui commençaient à geler. J’étais à une heure et demie maximum du sommet, et j’ai fait demi-tour. Je n’avais pas à me justifier ! Je me laisse la liberté de survivre... Ça me complique les choses après, ça nourrit des discussions, mais c’est moi qui risque de me tuer, pas eux. Si je suis en vie, c’est peut-être parce que je ne parle pas de mes projets avant.
Et maintenant ?
Je fais une petite pause, je vais me détacher des choses et peut-être m’accorder juste une petite expédition. La montagne reste ma vie. Ma femme vient de quitter volontairement son travail. On va gravir un 8 000 m ensemble, on va partager.
Vous vous sentez vraiment capable de viser moins haut, moins fort, moins engagé ?
Je ne peux plus pousser plus loin. Le progrès, le progrès, le progrès, ce n’est pas une issue. Je dois trouver un autre chemin.
Votre maxime est : « Tout ce que je peux imaginer peut devenir possible. » Vous ne la reniez pas ?
Un jour ou l’autre, tu dois arrêter d’imaginer, non ? Mais j’ai très mal : mon rêve d’Annapurna n’est plus là. Et c’est un manque. Ce sommet, c’était un rêve qui durait depuis des années. Je l’ai fait. Il reste quoi ? Il faut peut-être que les rêves restent des rêves. C’est peut-être mieux de laisser la face ouest du Makalu. Peut-être.
Vous n’aviez pas d’appareil photo pour valider votre exploit sur la face sud de l’Annapurna. Vous comprenez que cela ait fait naître des doutes ?
Oui. J’ai chopé une petite avalanche, j’ai perdu des gants et cet appareil photo. Fidèle à mon habitude, je n’avais même pas dit, au camp de base, que j’allais tenter le coup, j’avais dit que j’allais voir… Je comprends qu’on doute. Il faut des preuves de ce que l’on a réalisé. C’est une discussion vaine. Moi, je sais.
La montagne est le symbole de la pureté, elle est pourtant un creuset à polémiques. C’est dommage, non ?
Dans un sport traditionnel, le premier est le premier, et c’est tout. En montagne, beaucoup de choses sont subjectives. À commencer par les cotations des difficultés techniques. M 1, M 7, M 4 ? Qui est sûr de quoi ? Sur l’Annapurna, je n’ai pas de photos. J’ai entendu des gens dire que j’avais laissé tomber l’appareil volontairement. Mais j’ai failli mourir dans cette avalanche ! Je devrais m’en fiche. Mais ça finit quand même par te toucher. Dans la vie, tu as la liberté de croire ou pas. La vraie vie, c’est aussi de faire, pas de dire. Il y a des valeurs de base qui devraient être respectées.
On vous regarde, on vous imite ou, du moins, on essaie. Est-ce que vous vous sentez un devoir de responsabilité ?
C’est à chacun de réfléchir et, malheureusement, on est dans un monde où ce sens de l’auto-responsabilité s’est dissipé. C’est à moi de savoir si traverser mon village en voiture à 100 km/h est sensé ou pas. Deux Suisses m’ont suivi quelques jours après mon hivernale sur les Grandes Jorasses. Ils n’ont pas pu aller aussi vite que moi, ils ont dû bivouaquer sans rien ou presque. Ça ne peut pas être mon problème.
Avez-vous le sentiment, en la révolutionnant par votre approche, d’avoir « tué » la discipline ?
Reinhold Messner et ses quatorze 8 000 m (en 1986), c’était aussi un grand pas. Il y en aura d’autres, car il y a plein de jeunes forts, plus forts que moi, mais sans mon expérience. Mais on ne sait pas encore quels exploits ils réaliseront.»
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il y a 10 ans 8 mois #108826
par Gawain
\\\\\\\"When I see an adult on a bicycle, I do not despair for the future of the human race.\\\\\\\"
H. G. Wells
Réponse de Gawain sur le sujet Ueli Steck
Pour moi il a une attitude très saine.
Il arrive peut-être en effet au bout de sa démarche.
Après, ça ne doit pas être évident de s'arrêter et de trouver d'autres objectifs et d'autres motivations dans la vie.
Il arrive peut-être en effet au bout de sa démarche.
Après, ça ne doit pas être évident de s'arrêter et de trouver d'autres objectifs et d'autres motivations dans la vie.
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il y a 10 ans 8 mois #108901
par jfd_
Réponse de jfd_ sur le sujet Ueli Steck
En ligne avec toi.
Pour ce qui est d'être au bout de sa démarche, il faut aussi voir qu'il est "vieux" par rapport à un KJ (par exemple). Son approche de faire les choses hors média me plait énormément : la preuve d'un vrai grand champion pour moi
Pour ce qui est d'être au bout de sa démarche, il faut aussi voir qu'il est "vieux" par rapport à un KJ (par exemple). Son approche de faire les choses hors média me plait énormément : la preuve d'un vrai grand champion pour moi
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il y a 10 ans 8 mois #108902
par Gawain
Vieux, c'est tout relatif. Il explique très bien la différence entre sa démarche et celle de KJ...et au final, je ne pense pas qu'il soit si vieux pour une pratique qui repose énormément sur les qualités techniques et l'expérience. Messner a continué ses réalisations jusqu'à 42/43 ans
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Réponse de Gawain sur le sujet Ueli Steck
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Pour ce qui est d'être au bout de sa démarche, il faut aussi voir qu'il est "vieux" par rapport à un KJ (par exemple). Son approche de faire les choses hors média me plait énormément : la preuve d'un vrai grand champion pour moi
Vieux, c'est tout relatif. Il explique très bien la différence entre sa démarche et celle de KJ...et au final, je ne pense pas qu'il soit si vieux pour une pratique qui repose énormément sur les qualités techniques et l'expérience. Messner a continué ses réalisations jusqu'à 42/43 ans
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il y a 10 ans 8 mois #108912
par jfd_
Réponse de jfd_ sur le sujet Ueli Steck
C'est bien pour ce la que j'ai mis des " " à vieux.
Nonobstant, il lui reste moins de temps à haut niveau qu'il n'en a déjà passé. Peut-être est-ce aussi cela qui pour partie lui fait voir les choses comme il les voit.
Nonobstant, il lui reste moins de temps à haut niveau qu'il n'en a déjà passé. Peut-être est-ce aussi cela qui pour partie lui fait voir les choses comme il les voit.
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