Les images des forçats de la route ont marqué notre mémoire collective. Quelques unes appartiennent à l’histoire avec un grand H.
Je ne prendrai qu’un exemple, parmi d’autres, pour illustrer mon propos.
Le duel ANQUETIL / POULIDOR durant le tour de France 1964. Sur les pentes du Puy-de-Dôme, les deux meilleurs ennemis du monde se livrèrent à un des plus beau mano à mano de l’Histoire du cyclisme. Côte à côte, sans un regard vers l’autre, ils gravirent ce col dans la fournaise estivale en espérant la défaillance de l’autre. Pourtant, aucun des deux ne remporta l’étape (le vainqueur fut l’espagnol JIMENEZ).
L’anecdote retiendra que POUPOU a lâché Maître Jacques peu avant la ligne d’arrivée. Le plus important avait été la lutte entre titans. Ce fut un combat épique.
La liste des exploits vélocipédiques est longue. Le cyclisme d’après guerre, nous a donné à chaque époque son champion charismatique, se comportant en véritable patron du peloton.
Dans les années 50, le « campionissimo » COPPI a symbolisé la classe à l’état pur. Durant la décennie suivante Jacques ANQUETIL a représenté l’élégance du rouleur. Les années 70, ont vu l’apogée du plus grand champion de tous les temps Eddy MERCKX. Enfin, Bernard HINAULT a dominé les années 80 avec toute sa hargne.
Ces « monstres sacrés » avaient comme dénominateurs communs :
- d’être des coureurs complets, ils grimpaient, roulaient et gagnaient des classiques
- d’être présents toute l’année
- de se comporter en véritables patrons du peloton
- de réaliser de grands exploits et pas seulement de grandes performances
Alors quid des années 1990 et 2000 ?
Depuis cette période, le cyclisme est entré dans l’ère de la spécialisation à outrance.
De 1991 à 1995, Miguel INDURAIN à remporté 5 tours de France, son seul objectif avoué de l’année, et gagné deux « giro ». Idem pour Lance ARMSTRONG durant l’actuelle décennie.
Ces métronomes hors pairs ont été de véritables machines à moudre du kilomètre et à détruire la concurrence par les rythmes d’enfer emmenés par leur équipe, la meilleure du moment.
Ces deux champions nous ont-ils fait vibrer par leurs exploits ? Ont-ils eu ce coup de panache qui a levé le cœur des foules ? Non. Ce petit grain de folie ne les a jamais habités. Leur nature et la conception actuelle du professionnalisme ne laissent plus la place à la fantaisie ni à l’audace.
Voilà ce qui manque dans le cyclisme actuel. Chacun se cantonne dans la discipline où il excelle (CLM, classiques ardennaises ou flandriennes, montagne, courses par étapes,…). Pourtant, aujourd’hui il existe de grands champions. Les BOONEN, CANCELLARA et autres BALLAN sont présents là où on les attend. Ils sont très bons, beaux, jeunes, racés, stylés et efficaces.
Mais, il n’y a pas dans les rangs actuels des « pros » de coureurs de la trempe des monstres sacrés. C’est probablement l’époque qui veut cela.
Depuis HINAULT, retiré de la compétition depuis fin 1986, y a-t-il eu un coureur complet capable de coups d’éclat comme de coups de gueule ?
Mais qui a le culot d’annoncer qu’il est là pour gagner le championnat du monde (de Sallanches) comme HINAULT ?
Qui peut aujourd’hui faire un gueuleton et se saouler la veille d’une course comme jadis l’a fait ANQUETIL ?
Espérons que dans les rangs la génération future se cache secrètement le futur patron du peloton. Cela fait maintenant plus de 20 ans qu’on l’attend.
Alors cadets, juniors et espoirs, de l’audace, du caractère, du panache !!
Christophe Machado - Rédacteur VO2 Cycling